jeudi 26 mars 2015

Circulation alternée, malheur aux pairs

Je l'avais déjà dis l'année dernière (si, si, regardez ici), les automobilistes ayant le malheur d'avoir une voiture immatriculée avec un numéro pair ont, cette année encore, été pénalisés par la mesure de circulation alternée qui a été appliquée lundi 23 mars dernier sur Paris et la proche banlieue.

Circulation alternée
Pas de chance pour eux donc ! Cela devrait leur paraître d'autant plus injuste que depuis qu'elle existe, la circulation alternée existe n'a été appliquée que 3 fois (une première fois le 1er octobre 1997, puis le 17 mars 2014 et enfin le 23 mars 2015) et, à chaque fois ce fut un jour impair. Le sort s'acharne ... 

Et puis, cette fois encore, la mesure a été appliquée une seule journée de telles sorte que les "impairistes" n'ont pas eu a en subir les conséquences. Et oui, comme l'année passée, le miracle a eu lieu puisque dans la journée même du 23 mars, la Ministre de l'Ecologie, Ségolène Royale, annonçait que la mesure ne serait pas reconduite.

Formidable me direz vous, ça prouve bien qu'avec moins de voiture en circulation on arrive à faire baisser le niveau de pollution ! Sauf que ... d'après Airparif, l'organisme qui mesure la qualité de l'air en Île de France, la situation devait surtout s'améliorer en raison des pluies prévue le lendemain. Bilan : on ne sait pas si la circulation alternée a le moindre impact significatif sur le seuil de pollution !!!

Autre point commun avec ce qui s'est passé l'année dernière c'est que la mesure a été annoncée par la Préfecture de Paris dans un communiqué de presse du 21 mars [pdf], c'est-à-dire deux jours avant la mise en place de la circulation alternée mais surtout au cours d'un weekend. Alors évidemment, de nombreux automobilistes qui avaient eu le culot de ne pas suivre les actualités ignoraient qu'ils étaient en infraction. Mais bon, comme nul n'est sensé ignorer la loi, ce n'est pas une bonne excuse ça, ma bonne dame ! Allez hop, on passe à la caisse pour payer la jolie petite amende.

C'est vrai quoi, on ne va tout de même pas excuser des gens qui décident de se déconnecter des médias (télévision, radio, internet) le temps d'un weekend tout ça pour aller se promener à la campagne ou passer du temps avec leur famille ! 

samedi 7 mars 2015

Donnez votre avis sur la réforme du droit des contrats !

Pour faire une loi, le gouvernement et les députés font généralement appel à des spécialistes du domaine concerné, mais la grande mode actuelle est de faire des consultation ouvertes à tous. Oui, vous aussi vous allez pouvoir donner votre avis sur un texte en préparation. C'est formidable, non ? Mais bon, ne vous réjouissez pas trop vite car, pour pouvoir donner votre avis, il faut encore que vous compreniez quelque chose au texte proposé.

Consultation publique sur la réforme du droit des contrats
Le procédé avait déjà été utilisé dans le cadre du la réforme du droit des société et, comme je l'avais alors signalé, il y avait peu de chance qu'un justiciable n'y connaissant pas grand chose en droit puisse comprendre quoi que ce soit et donc donner un avis. Je n'ai pas réussi à savoir si cette consultation avait été une réussite, mais bon, le gouvernement a décidé de remettre ça.

C'est ainsi que le 25 février dernier, le ministère de la justice a publié un article sur son site avec le titre suivant :  
Réforme du droit des contrats: Professionnels, universitaires, citoyens, donnez votre avis!
Youpiiiiiii ! Tous les citoyen vont pouvoir dire ce qu'ils pensent du projet de texte [pdf] qui se présente sous la forme d'un document de 50 pages dans lequel vous pourrez lire la nouvelle rédaction des articles 1101 à 1386-1 du Code Civil...

Et alors, où est le problème, me demanderez vous ?

J'en vois plusieurs.

D'abord pour un non juriste (et même pour les juristophiles confirmés), se coltiner la lecture de plus de 300 articles du Code civil, il faut avouer que c'est pour le moins pénible.

Donner son avis sur projet de réformeEnsuite, il faut être en mesure de comprendre ce que l'on lit et, là, pour le non professionnel, ça risque d'être un peu compliqué car, même s'il n'y a pas trop de termes barbares, il y a tout de même des articles qu'il sera bien difficile d'analyser si on n'y connait pas grand chose. Par exemple, le projet propose un article 1300 qui dit : 
"Les quasi–contrats sont des faits purement volontaires dont il résulte un engagement de celui qui en profite sans y avoir droit, et parfois un engagement de leur auteur envers autrui"
Il s'agit d'une modification de l'article 1371 du Code civil en vigueur qui lui indique que : 
"Les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties."
Voilà, maintenant à vous de donner votre avis sur l'évolution de ce texte ! Franchement, je sais bien que nul n'est sensé ignorer la loi mais qui peut raisonnablement penser que tous les citoyens peuvent comprendre, analyser et faire d'éventuelles propositions d'amélioration sur ce texte ? A moins de suivre un cours de droit en accéléré mais il va falloir vous y mettre vite car la consultation n'est ouverte que jusqu'au 30 avril prochain !

Par ailleurs pour donner un avis sur la réforme, il faut voir ce qui change entre la version actuelle du Code civil et celle du projet de réforme. Et là, il va falloir faire un gros effort de concentration et de recherche. En effet, le projet de texte ne vous donne pas la rédaction actuelle des articles ... et vous n'avez même pas le droit à un petit lien vers la page du texte actuel sur le site legifrance, histoire de vous simplifier la tâche. Non, non, mon bon Monsieur, le droit ça doit rester pénible !

On ne va tout de même pas vous expliquer le contenu d'un contrat...
Puisque le contrat est clair, il n'y a aucune question à se poser,
et c'est pareil dans le projet de réforme, non ?
D'autant que, pour rechercher le texte existant équivalent, vous ne pourrez pas vous contenter du numéro de l'article du projet de réforme, car de très nombreux articles de ce projet sont renumérotés... Juste pour vous donner un exemple, le nouvel article 1322 qui parle de la "mise en demeure" correspond à peu près à l'actuel article 1146 et l'article 1146 du projet ne correspond grosso modo à aucun texte existant. Je sens que si la réforme passe, les juristes vont s'arracher les cheveux avec une nouvelle numérotation ! 

Et puis, pour finir, donner son avis sur un projet aussi important suppose tout de même d'avoir une compréhension des enjeux et des conséquences des modifications, ce qui, à mon humble avis, risque d'être un peu compliqué pour des justiciables n'ayant aucun connaissance en droit ... surtout qu'aucun élément explicatif n'est donné dans ce projet !

Bref, proposer de consulter les citoyen paraît, à première vue, une bonne idée mais la manière de le faire enlève toute crédibilité à ce que je vois plus comme un "effet d'annonce" !

lundi 2 mars 2015

Jeux à la télévision: pourquoi les questions sont-elles si simples ?

Dans l'univers des jeux à la télévision, deux univers coexistent avec d'un coté ceux faisant appel aux connaissances ou à l'habileté des joueurs et, de l'autre, ceux qui reposent sur rien, hormis le hasard. C'est ces derniers car ils reposent généralement sur une question dont la réponse est tellement évidente qu'on se demande bien pourquoi elle est posée. Y aurait-il une raison juridique à cela ?

Jeux à la télévision
Alors que vous êtes en train de regarder une émission où des candidats se disputent la première place pour décrocher le titre de "meilleur chanteur", le présentateur vous annonce d'un coup que vous allez pouvoir gagner plus milliers d'euros en répondant à une simple question :
« Quel est le nom du candidat qui a chanté le titre "I feel good" de James Brown ? »
... étant précisé que, bien sûr, le morceau en question vient tout juste d'être massacré par un ado boutonneux se prenant pour "The Godfather of Soul". Comme la question est sans doute un peu compliquée (sic) on vous propose le choix entre deux prénoms de candidats. Ouh là là, c'est dur ! Bien évidement, pour gagner il va falloir envoyer un sms à un numéro surtaxé, et si jamais vous avez donné la bonne réponse, il faudra sans doute renvoyer un nouveau sms pour valider votre participation au tirage au sort !

Je vous ai mis ce petit morceau juste parce que ça fait du bien ... surtout quant on lit des trucs rasoirs sur le droit !

Et le droit dans tout ça, me demanderez vous ... j'y viens, ne soyez pas aussi impatient.

Si vous pensez que la question posée n'est pas si évidente, alors soit vous n'avez pas suivi l'émission, soit ... (Houston, nous avons un problème !). Ensuite, si votre cerveau est a peu près normalement constitué, vous devriez pouvoir répondre tout en vous disant que, vraiment, on vous prend pour un idiot pour vous poser une question aussi simpliste.

Et ce n'est pas un cas isolé. Nombre d'émissions proposent ce genre de "jeux" dans lesquels il n'est fait appel ni à votre intelligence, ni à vos connaissances puisque, finalement, pour gagner il faut surtout être tiré au sort. C'est d'ailleurs ce qui distingue ces jeux de ceux qui peuvent réellement prétendre à l'appellation de "concours" où les chances de gagner dépendent avant-tout des connaissances des participants, et non pas du hasard d'un tirage au sort qui s'apparente alors à une loterie.

Or, il faut savoir qu'en France, les loteries sont, en principe, interdites par une loi de 1836 (oui, je sais, c'est pas tout neuf) qui, depuis 2012, a été intégrée dans le Code de la sécurité intérieur, dans les articles L322-1 et suivants. Ces textes qualifient de loterie interdite tous les jeux qui répondent aux 4 conditions suivantes :
- un jeu ouvert au public,
- un jeu où les participants peuvent espérer gagner quelque chose,
- un jeu reposant en partie ou totalement sur le hasard,
- un jeu dans lequel les participants on une participation financière.
(je vous rassure, il y a bien évidemment des exceptions pour les jeux de la Française des Jeux, les loteries des fêtes foraines ...)

Humour juridique
Dans mon exemple, les deux premières conditions sont remplies. Par ailleurs, la question est tellement simpliste qu'elle est accessoire de telle sorte que la détermination du gagnant repose surtout sur le hasard du tirage au sort. Restait à savoir si le recours à un numéro surtaxé pouvait être assimilé à une contribution financière des candidats. Là, des tribunaux ont considérés que non à partir du moment où il était proposé de rembourser les frais... Ouf ! Ainsi, puisqu'il était considéré qu'avancer des frais n'empêchait pas le jeu d'être gratuit, il ne s'agissait pas d'une loterie.

Sauf que ... bah, oui, ça aurait été trop simple ... en 2014, un article L322-2-1 du Code de la sécurité intérieure est venu dire que :
"Le sacrifice financier est établi dans les cas où l'organisateur exige une avance financière de la part des participants, même si un remboursement ultérieur est rendu possible par le règlement du jeu."

Mais, rassurez vous, un autre article venait immédiatement préciser que cela ne concernait pas les jeux et concours télévisés à condition, toutefois, que les frais des participants puissent être remboursés et que le jeux soient "en lien avec les programmes". C'était d'ailleurs des conditions que le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel avait déjà imposé dans une délibération de 2007.

Là vous devriez commencer à comprendre : il faut poser une question en lien avec l'émission mais, dans le même temps, l'objectif des sociétés de productions étant de gagner de l'argent grâce aux numéros surtaxés, elles ont donc intérêt à vous poser une question très simple. Ainsi, elles sont sûres que n'importe qui peut y répondre et plus il y aura de participants, plus le numéro surtaxé leur rapportera car peu de gens demandent à être remboursés (soit parce qu'ils ignorent que cela est possible, soit parce que pour 1 ou 2 €, ils trouvent que ça n'en vaut pas la peine).

Bref, alors que les textes cherchent en principe à protéger les joueurs en évitant qu'ils payent pour jouer, en définitive, la réalité est  tout autre ... c'est magique, non ?

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Pour aller plus loin et si vous êtes courageux, vous pouvez lire :

mardi 24 février 2015

Pourquoi les perquisitions de nuit sont-elles interdites ?

Pourquoi fait-on des lois ? La réponse est généralement parce que cela permet d'organiser les rapports entre les individus qui, sans règles, finissent par faire n'importe quoi. Bref, la règles juridiques ont une raison d'être, quelle soit bonne ou mauvaise. Les motivations d'un texte prennent souvent leur racine dans l'actualité ou dans des événements de société. Pourtant, même en cherchant bien, j'ai du mal à comprendre pourquoi, en matière pénale, il est interdit de faire des perquisitions de nuit  !

Perquisition de nuit
Tout d'abord, pour ceux qui ne sauraient pas ce qu'est une perquisition, deux options : soit vous abandonnez la lecture de ce billet et retournez vivre en ermite dans votre grotte, soit vous jetez un coup d'œil ici avant de poursuivre. Pour les autres, tout va bien vous devriez pouvoir suivre mais interdiction de vous moquer de vos petits camarades (si, si, je vous ai vu esquisser un petit sourire suffisant !).

Bon, trêve de prolégomènes (j'aime bien ce mot qui remplace "blabla" et fait beaucoup plus savant !) et voyons ce que nous dit l'article 59 du Code de procédure pénale :
"Sauf réclamation faite de l'intérieur de la maison ou exceptions prévues par la loi, les perquisitions et les visites domiciliaires ne peuvent être commencées avant 6 heures et après 21 heures."
La règle est claire : pas de perquisition la nuit. Bien évidemment, comme tout principe juridique, il y a un litanie d'exceptions notamment en matière de stupéfiant, de proxénétisme et de traite d'être humain, ainsi que pour toute une une série de crimes et délits (article 706-73).

Si vous lisez attentivement ces différents textes (je note les noms de ceux qui ne l'auront pas fait), vous constaterez que l'on ne vous explique pas pourquoi la police ou la gendarmerie ne pourrait pas venir vous rendre une petite visite courtoise pendant votre sommeil. Il faut donc aller chercher ailleurs.

On peut déjà aller voir un bulletin officiel du Ministère de la Justice dans lequel on vous explique qu'il existe des "exigences constitutionnelles qui garantissent l'inviolabilité du domicile d'une personne au cours de la nuit". J'en déduit que la nuit le domicile est inviolable (et le jour, non ?) et que ce serait un principe constitutionnel.

Humour juridique - Perquisition de nuit
Alors, sachant que la Constitution elle même ne parle pas l'inviolabilité nocturne du domicile (la Constitution de 1958 renvoi à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui dit uniquement que "la propriété [est] un droit inviolable"), on est obligé de se tourner vers le Conseil Constitutionnel qui, dans une décision de 1996, nous explique que, parmi les "principes et droits de valeur constitutionnelle [...] figurent la liberté individuelle et notamment l'inviolabilité du domicile".

Et la nuit dans tout ça ? Nulle mention. Alors, je me suis dit qu'il fallait aller cherche plus loin et on s'aperçoit alors que l'interdiction de pénétrer dans un domicile de nuit remonte à la période révolutionnaire puisque dans l'article 76 de la Constitution de l'An VIII (1799), il était déjà indiqué que :
"La maison de toute personne habitant le territoire français, est un asile inviolable. Pendant la nuit, nul n'a le droit d'y entrer que dans le cas d'incendie, d'inondation, ou de réclamation faite de l'intérieur de la maison."
Bon d'accord, mais pourquoi ? Qu'est-ce qui motive cette interdiction de faire une perquisition durant la nuit ? Que ce passe-t-il entre 21h et 6h expliquant que le domicile devient alors totalement inviolable ? Comme il serait vain de chercher une explication légale, je vais vous proposer plusieurs très bonnes raisons :
  • Parce que la nuit, on n'y voit rien alors comment la police va-t-elle pouvoir fouiller la maison ... ça c'était vrai avant l'invention de l'électricité et même de la bougie.
  • Parce qu'on ne veut pas déranger les gens dans leur sommeil ... bah oui, dormir est un droit qui devrait avoir une valeur constitutionnelle, non ?
  • Parce que violer un domicile le jour c'est pas grave, mais la nuit c'est pas bien !
  • Parce que la nuit les enfants dorment, alors chut... c'est déjà pas facile de les faire se coucher !
  • Parce que la nuit est un moment de calme (et parfois de volupté) ... alors faudrait voire à pas nous déranger, ma bonne dame !
  • Parce que la nuit, on a beaucoup plus de chance de trouver les gens chez eux ... autant attendre qu'ils soient au boulot pour pénétrer chez eux !
Si jamais vous avez une meilleure explication, je suis preneur !

pages prec. suiv.